Auteur: Céline Trossat

Si leurs relations ont été tumultueuses, Hortense Fiquet a quasiment été la seule femme à poser pour lui. Quelques 25 portraits d’elle ont été réalisés.
 
Qui était Hortense Fiquet ? Si une multitude d’ouvrages ont été écrits sur son mari, le célèbre peintre Paul Cézanne, peu d’informations transparaissent sur elle. Une partie de celles que nous avons trouvées a même réussi à semer le doute dans notre esprit… Hortense Fiquet est entrée dans la vie de Cézanne quand il est retourné à Paris, au début de l’année 1869.
 
John Rewald écrit : « C’est à peu près vers cette époque qu’il fit la connaissance d’un jeune modèle, Hortense Fiquet, qui avait alors 19 ans. Elle était née à Saligney dans le Jura, et avait vécu avec sa mère qui était morte quelque temps auparavant. Sur son père, on sait seulement qu’il était, vers 1886, propriétaire à Lantenne (Doubs). Hortense Fiquet était une grande et belle fille brune dont les grands yeux noirs éclairaient le visage au teint mat. Cézanne, de onze ans plus âgé que la jeune femme, s’éprit d’elle et la décida à partager sa vie. Ainsi, il n’était plus seul mais il tenait encore secrète sa liaison devant ses parents, ou plutôt devant son père. »
 
Cézanne va effectivement offrir un amour particulier à Hortense Fiquet… La jeune femme met au monde un enfant le 4 janvier 1872 au 45, rue de Jussieu, à Paris. Cézanne le prénomme Paul et le reconnaît. Mais il n’informe pas son père de cet heureux événement. Sa mère, dit-on, aurait pu en être informée dans une lettre. Cézanne va cacher sa famille « officieuse » à son père, qui le fait vivre, aussi longtemps que possible.
 
En mars 1878, la vérité finit par éclater. Dans un courrier à son ami Zola du 23, il écrit : « Une lettre que monsieur Chocquet m’a écrite et dans laquelle il me parlait de madame Cézanne et du petit Paul a révélé définitivement ma position à mon père, lequel d’ailleurs était aux aguets, plein de soupçons, et qui n’a eu rien de plus empressé que de décacheter et lire le premier la lettre qui m’était adressée ». Mais les conséquences qu’il craint, surtout la suppression totale des subsides paternels, ne seront jamais effectives.
 
Hortense Fiquet n’a pas une vie facile. Le couple a des difficultés financières quand même. Surtout ils vivent fréquemment séparés, entre le Midi où réside la famille de Cézanne et Paris qu’Hortense semblerait davantage affectionner. Au printemps 1885, Cézanne aura une passion amoureuse sans lendemain. Les relations sont encore plus difficiles et pourtant le portrait que Cézanne fait de sa femme trahit toujours des sentiments, même si, quand on observe « Madame Cézanne aux hortensias », son expression à elle fait ressentir de la distance.
 
Un an plus tard, Cézanne se décide pourtant à épouser Hortense Fiquet. Après dix-sept ans de relation, leur union est célébrée à l’hôtel de ville d’Aix-en-Provence le 28 avril, en présence des deux parents de l’artiste. Elle est suivie, le lendemain, d’une bénédiction nuptiale à l’église Jean-Baptiste. Six mois plus tard, le père de Cézanne y sera enterré.
 
Leur relation troublée ne va pourtant pas s’arrêter. En février 1891, Paul Alexis écrit à Zola que Cézanne est toujours fâché après Hortense à la suite de leur séjour estival en Suisse. En 1897, Numa Coste écrit à Zola que « sa femme a dû lui faire commettre bien des sottises. Il est obligé d’aller à Paris ou d’en revenir suivant les ordres qu’elle lui donne ». En 1904, Cézanne précise dans une lettre à Emile Bernard que sa femme et son fils sont à Paris mais qu’il espère les retrouver bientôt.
 
Des vérités ?
 
Hortense Fiquet avait une santé délicate. Cézanne l’a épousée alors qu’il ne l’aimait plus. Elle-même ne s’entendait pas avec lui. Elle n’aimait pas le Midi, mais adorait voyager. Cézanne aurait dit qu’elle n’aimait « que la Suisse et la limonade ». Hortense Fiquet était très vive et aimait beaucoup bavarder. Son mari lui avait dit de se taire, quand elle voulait prendre part aux discussions sur l’art, car elle ne disait « que des bêtises ». Elle avait la passion du jeu. Avec son fils, elle avait été pressée de se défaire des oeuvres de son mari à sa mort, tout seul à Aix-en-Provence, le 23 octobre 1906. Quelle crédibilité accorder à toutes ces déclarations ? Nous opterions volontiers pour la prudence. Tous ces dires nous semblent être sortis de la bouche des amis de Cézanne qui, dès le départ, ne semblent pas avoir apprécié la jeune femme, comme la famille de Cézanne d’ailleurs. Le sobriquet de « La Boule » lui avait d’ailleurs été donné dès le départ. « Sa personnalité n’est pas facile à cerner mais force est de constater qu’elle ne fait pas l’objet d’un consensus. La maîtresse de Zola, qui peine à supporter Cézanne, affuble Hortense d’un délicat sobriquet : « La Boule »., écrit Laurent Houssais dans « Le journal de Cézanne ».
 
Les Jurassiens ne sont peut-être pas faciles… Ce que l’on sait de façon certaine, c’est que Cézanne, être indépendant, ne l’était pas non plus.

 

Cet article n’est pas proposé à la vente.

 
Céline Trossat


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